Suzume : explication de la fin (SPOIL)

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Suzume ouvre la porte

En ce mercredi 12 avril, l'exceptionnel SUZUME atteint enfin les salles françaises, et il se classe déjà 4ème film d'animation japonais le plus rentable au monde derrière Demon Slayer : le train de l'infini, Le voyage de Chihiro et Your Name. Nous vous proposons un article un peu particulier, dans lequel nous avons choisi de nous focaliser essentiellement sur certains aspects du scénario, notamment le "twist" de la fin du film. Tout l'article qui suit révèle donc l'intrigue dans son ensemble. À lire à vos risques et périls !

 

Un voyage pour refermer les plaies du Japon

Le film commence par un rêve-souvenir poignant de Suzume lors du tsunami du 11 mars 2011 : elle se voit petite fille, seule survivante de la catastrophe, errant en larmes parmi les ruines à la recherche de sa mère. On aperçoit ensuite les pieds d'une adulte s'approchant d'elle pour la consoler. Le rêve prend fin. Cette séquence révèlera toute son importance à la fin du film...

 

S'ensuit la rencontre de Suzume avec Sôta, un "verrouilleur" dont la mission ancestrale consiste à sceller des portes mystiques afin de contenir l'esprit d'un "vers" géant (ミミズ - Mimizu), dont l'apparition dans notre monde provoque les violents cataclysmes qui frappent régulièrement le Japon. Lorsque Suzume ouvre une porte délabrée, elle libère involontairement une divinité en forme de chat nommée Daiji. Celui-ci se met à ouvrir d'autres portes réparties sur tout le Japon dans un jeu de chassé-croisé avec Suzume, dont il est tombé amoureux. Plus qu'un simple jeu, c'est une véritable course contre la montre qui commence alors, car une porte ouverte doit impérativement (et rapidement) être refermée...

 

 

Road-movie tragi-comique

Avec l'aide de Sôta, Suzume s'enfuit donc et parcourt le Japon pour refermer ces portails. Pour y parvenir, elle doit écouter les voix des âmes des personnes décédées lors des catastrophes et les aider à quitter le plan terrestre pour "monter". Le film évoque ainsi la notion d'apaisement des âmes, et la nécessité de faire le deuil de leur vie terrestre. Le thème du deuil est central, comme nous le verrons par la suite.

Rapidement, Suzume et Sôta développent une relation étroite, ce qui conduit à la malédiction de Sôta qui fusionne avec la petite chaise d'enfant de Suzume, sous l'effet de la jalousie de Daiji. Désormais réduit à l'état de "meuble" (qui plus est instable, avec seulement trois pieds), le jeune homme reste néanmoins déterminé à accomplir sa mission et à retrouver coûte que coûte sa véritable apparence. Après les princes transformés en grenouille, voici le "beau gosse" transformé en chaise Ikea, et que l'héroïne tente là encore de réveiller d'un baiser.

 

Suzume patchwork

Au cours de leur périple, qui les fait traverser le pays du sud au nord, Suzume et Sôta rencontrent de nombreux habitants hauts en couleur. Ce voyage est également une quête intérieure : Sôta comprend qu'il doit prendre la place de Daiji, tandis que Suzume doit faire le deuil de sa mère et accepter de franchir une ultime porte, celle de son propre cœur.

SUZUME

La révélation du passé de Suzume (ATTENTION : LA SUITE DE L'ARTICLE RÉVÈLE LA FIN DU FILM !)

La fin du film dévoile que l'on ne peut franchir qu'une seule porte au cours de sa vie. Suzume avait donc déjà traversé la sienne lorsqu'elle était enfant, pendant le tremblement de terre et le tsunami (la fameuse scène du rêve au début du film). Cette révélation amène Suzume à rechercher sa maison d'enfance et à retrouver une porte délabrée. En l'ouvrant, elle découvre qu'elle était elle-même l'adulte qui l'avait réconfortée et sauvée quand elle n'était encore qu'une petite fille cherchant désespérément sa mère dans les ruines. La boucle est ainsi bouclée, à travers l'espace et le temps...

Avec ce film, Makoto Shinkai reproduit une structure dramatique conforme à ses deux derniers opus. L'irruption du fantastique dans le quotidien. Des personnages qui traversent des dimensions, tantôt temporelles, tantôt spatiales. Et des couples dont l'une des figures est "sacrificielle" tandis que l'autre est salvatrice, prête à braver tous les dangers et les dieux eux-mêmes pour l'arracher à sa tragique condition.

 

Pourtant, cette fois-ci, plusieurs changements distinguent cette oeuvre des précédentes. Pour une fois, c'est le garçon qui est sacrifié et la jeune fille qui part à sa rescousse. Le ton du film est également plus léger, avec ses nombreuses notes d'humour et ses personnages secondaires bariolés. Makoto Shinkai a clairement voulu un film drôle, mais aussi féministe en faisant de Suzume le personnage fort du film.

 

Mais la pierre angulaire est définitivement le final : en racontant l'histoire d'un personnage qui se sauve lui-même, Shinkai nous démontre que personne à part nous-même n'est en capacité de nous secourir. Nous sommes en définitive notre propre réponse, la solution à tous nos problèmes, parce que chacun porte en lui la force de résoudre l'équation de son existence. Encore faut-il être présent à soi-même, encore faut-il s'aimer, pleinement et sans jugement. C'est notre amour envers nous-même et lui seul qui nous fera surmonter tous les défis et les épreuves que la vie nous présentera.